samedi, 11 août 2007

Ludo-file I : les jeux "d'enfoirés"

Nous commencerons la série de nos ludo-files par présenter les jeux communément appelés « d’enfoirés ». On pourrait également les appeler jeux diplomatiques, d’alliances (et désalliances). Bref, nous rangeons sous cette catégorie tous les jeux qui demandent aux joueurs de former des coalitions, de s’entendre sur certains points et de voir des retournements de situations et d’alliances. Ces jeux poussent également à jouer directement et de manière flagrante contre les autres. La mécanique principale de ces jeux s’appuie sur les décisions et relations entre joueurs. Le hasard y est peu présent. Ces jeux peuvent même parfois mettre à mal des amitiés, tellement les coups peuvent être rudes et traîtres.

Points forts :

  • Très forte interaction entre les joueurs
  • Très forte socialisation et coopération entre joueurs
  • Utilisation et développement du bluff
  • Utilisation et développement de la diplomatie et négociation

Points faibles :

  • Impression de ne jamais entièrement maîtriser le jeu, au vu des retournements (parfois constants) des situations
  • Relations pouvant être (momentanément) détériorée par les alliances et traîtrises
  • Relative méchanceté que le jeu pourrait susciter
  • Désavantage pour les joueurs timides ou moins bons parleurs

Jeux phares :

1. Diplomacy

Jeu de conquête de 2 à 7 joueurs (mais de préférence entre 6 et 7 joueurs) pouvant durer près de 3h. Le plateau représente l’Europe en 1901, les joueurs possèdent des unités navales et terrestres et doivent contrôler un certain nombre de positions stratégiques (arsenaux) pour remporter la partie. Aucun hasard dans le jeu. Diplomacy, comme son nom l’indique, repose uniquement sur les discussions et interactions entre joueurs. Il est même important de limiter le temps de discussion par phase pour ne pas trop faire durer la partie, c’est tout dire. Les règles de Diplomacy sont simplissimes, et ce qui fait son piquant ce sont les coalitions, opportunisme et trahisons que le jeu met en exergue. Ajoutons encore que le jeu a été réédité par Asmodée en 2005, et que cette réédition est magnifique : les pièces (certainement fabriquées en Chine) sont en métal et très représentatives.

2. Les « cousins » de Diplomacy.

Jeu de conquête de base, Diplomacy a fait des émules dans la gestion des interactions entre joueurs pour la conquête de territoires. Citons par exemple Le Trône de Fer, de loin plus développé en matière de règles, et bien sûr le fameux Britannia. Tous ces jeux fonctionnent de la même manière, il faut s’allier pour être plus fort contre les autres, et savoir lâcher ou exploiter les alliances au bon moment pour remporter la partie.

3. Intrige

Plus connu pour ses jeux de cartes (Bohnanza, 6nimmt !), Amigo a réédité en 2003 Intrige sorti en 1994 chez FX Schmid. Petite boîte petit prix, Intrige est l’un des jeux « d’enfoirés » les plus simples mais également les plus retors. Le principe du jeu est utra-simple : amasser le plus de revenus en plaçant ses envoyés dans les résidences des autres joueurs, sachant que chaque partie de résidence rapporte plus ou moins d’argent et qu’uniquement un envoyé peut se trouver par partie. Vous pouvez aisément imaginer la suite : coups de p…, promesses pas (souvent) tenues, trahisons, ce genre de choses. Jeu à déconseiller aux couples et aux meilleurs amis.

4. Quo Vadis

Quo Vadis est presque un OLNI (Objet Ludique Non Identifié) tellement il paraît étrange dans le « paysage ludique ». Petite boîte petit format matériel simplissime petit prix, réédité également par Amigo en 2005, Quo Vadis est un jeu de Reiner Knizia. Knizia est l’auteur de jeu le plus prolifique, aux mécaniques bien léchées mais plutôt froides (Blue Moon City, Modern Art, Amun-Re, etc) qui n’engagent pas énormément d’interactions entre joueurs. Dans Quo Vadis il en est tout autre. Les joueurs incarnent des sénateurs romains qui veulent s’élever dans la hiérarchie et accéder au Sénat Suprême. Pour y arriver, il faudra compter sur les autres pour parvenir à passer les différentes parties puisqu’il faudra traverser un itinéraire particulier. Les joueurs pourront se retrouver bloqués à moins que les sénateurs s’associent et obtiennent des votes des autres joueurs pour avancer. Tout l’intérêt du jeu réside dans la nécessité de s’associer plus ou moins temporairement pour recevoir suffisamment d’appui de la part des autres pour avancer, sachant que tout joueur aidant un autre à monter reçoit également des points (un peu à la Babel, autre jeu de Knizia, ou La Rando de Gus&Co). Bref, on a tout intérêt à aider ses voisins, surtout que si l’on n’aide personne, personne ne vous aidera au moment où vous en auriez le plus besoin.

5. Seenot im Rettungsboot

Le concept est simple là-aussi, le thème bien exploité. Votre bateau vient de s’échouer, il va falloir à présent embarquer dans de frêles esquifs pour parvenir à des îles sain et sauf, sachant que les bateaux de fortune vont se la jouer « radeau de la méduse » puisqu’à chaque tour, des trous vont gentiment mais sûrement les submerger. Tout le piquant du jeu réside dans le fait d’éliminer un bateau plutôt qu’un autre, et d’en faire avancer certains plus rapidement suivant les marins présents. Pour décider quel bateau connaîtra un sort plus ou moins funeste, on procède à un vote secret en simultané au moyen de cartes. Seenot est bel et bien un jeu « d’enfoiré ». On peut y jouer façon diplomacy par des alliances, le but ici est bien d’éliminer l’un ou l’autre de ses partenaires (ou plutôt adversaires ici). Le plateau et le matériel sont de très bonne facture, le tout paraît presque enfantin (couleurs, pions) pour un tel jeu, et la partie est finalement assez rapide, compter 20-30’. Les éditions Contrevents ont sorti un jeu dans le même style et thème, Mes Copains D’abord, où l’on a même affaire à des cartes « Méchantises ».

6. Les Loups-Garous de Thiercelieux (LGT)

Jeu cultissime, les LGT sont un véritable jeu « d’enfoirés ». Que l’on soit villageois ou loup-garou, il faudra décider contre qui s’allier pour éliminer l’un ou l’autre joueur. Alliances, coups bas et trahisons feront tout le sel du jeu.

7. Junta

Comment envisager de clore cette ludo-file sur les jeux « d’enfoirés » sans présenter Junta, l’un des plus vieux jeux du genre édité et réédité à maintes reprises, dont une dernière version est sortie en 2005. Dans Junta, on joue El Presidente élu « à vie » ou les ministres d’une république bananière. Le but du président, rester en poste le plus longtemps en s’assurant que son cabinet soit le plus satisfait possible. Chaque début de tour, le président reçoit une mallette secrète / budget / aide internationale plus ou moins bourrée d’argent. En se servant bien évidemment au passage, le président répartira la somme entre ses ministres, sachant que certains ministres sont plus influents et « dangereux » que d’autres (ministre de l’intérieur par exemple, en charge de la police secrète). Evidemment, la répartition de l’argent est tenue secrète. Si le cabinet n’est pas content, on peut renverser le président en place et le remplacer. La partie discussion et diplomatie est de loin la plus intéressante du jeu. On pourra toutefois déplorer toute la partie « coup d’Etat », véritable jeu dans le jeu, presque wargame, aux règles et mécaniques pataudes et longues.

Il existe encore d’autres jeux « d’enfoirés », tel Atomic Business également de Contrevents, Aristo ou même London 1888 (que l'on présentera ultérieurement dans une ludo-file consacrée aux jeux par équipe).


En conclusion, les jeux « d’enfoirés » mettront une sacrée ambiance autour de la table, chacun essayant de créer la meilleure alliance possible tout en veillant à protéger ses arrières et éviter tout retournement de situation. On pourra s’y montrer fourbe, vil, diplomatique, rusé, sadique, tactique voire peut-être même, mais plus difficilement, tout simplement honnête.

Une autre ludo-file suivra prochainement, certainement sur les jeux d’enchères.

Bonnes parties.

Aucun commentaire: